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29 Mar 2022

Téléconsultation en médecine générale : un complément à consommer avec modération

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La session du Collège de médecine générale sur le « bon usage de la télémédecine » le 24 mars pendant le 15ème congrès CMGF qu’il organise, l’a bien montré. La téléconsultation fait aujourd’hui partie de la pratique du médecin généraliste mais comme un complément dont il faut éviter les écueils et les risques.

En mars 2020, 75% des généralistes ont effectué des téléconsultations, à leur satisfaction et à celle des patients, si l’on en croit les sondages. L’explosion liée la pandémie et facilitée par la prise en charge à 100%, est évidemment retombée mais cette manière de consulter s’inscrit désormais dans la pratique. 30% des MG ont fait au moins une téléconsultation au cours de ces trois derniers mois, selon un chiffre communiqué au Congrès par le ministère de la Santé.
Bref, comme le souligne Serge Gilbert, vice-président du Collège, la télémédecine est entrée dans les mœurs.
« Les médecins généralistes la voient comme un complément » assure le Dr Adeline Jouanin (Rennes) en s’appuyant sur les résultats d’un projet qui en a mesuré l’acceptabilité chez les médecins. Le risque de déshumanisation est contrebalancé par la coopération et la confiance du patient qui sont un préalable.

Se former au relationnel d’un examen clinique à distance

Autant organiser dès à présent une formation adaptée aux futurs médecins.
Le déroulé de l’examen clinique est différent mais un examen clinique à distance reste possible avec des spécificités. « C’est une approche centrée sur le patient avec des compétences relationnelles », expliquent les Drs Céline Buffel-Du-Vaure et Stéphanie Sidorkiewicz, maîtres de stage à l’université Paris-Cité. L’essentiel est de savoir déceler la situation d’urgence et le moment où il convient de convoquer le patient en présentiel. Se former au relationnel cela s’apprend, et il n’y a pas forcément plus de dérives qu’en présentiel. Même si la littérature montre qu’à situation égale, il y aurait, par exemple, plus de prescriptions d’antibiotiques inadaptés chez les enfants. Les deux consoeurs ont testé un programme de simulations de cas auprès d’internes en stage avec des acteurs formés. Des grilles standardisés d’observations s’appuyant sur les recommandations sont une piste à explorer. Un participant de la session annonce d'ailleurs être en train de rédiger un traité de télé sémiologie.

Risques et recommandations

Le Conseil national de l’Ordre des médecins vient d’ actualiser son document en ligne sur les mésusages de la téléconsultation. Le Dr Stéphane Oustric, son délegué général aux données de santé et au numérique, généraliste à Toulouse, s’en est fait largement écho en rappelant le principe initial de l’ancrage territoriale et le préalable de la connaissance physique du patient. Le CNOM reste opposé à l’utilisation des plates-formes offreuses de soins avec des médecins installés dans des centres de santé qui assurent des téléconsultations. « C’est encourager le nomadisme médical. Nous avons dénoncé ces pratiques. C’est le cadre conventionnel qui veut faire évoluer ces principes. »
Le cadre conventionnel a, rappelons-le, limité à 20% le taux de téléconsultation dans la pratique d’un médecin. Ils sont moins de 4% à dépasser ce seuil, assure une représentante du ministère de la Santé.
« Les NTIC sont une chance pour la médecine mais la médecine, ce n’est pas les NTIC. » Le vice-président du Collège, bien conscient qu’il y a un marché derrière la télémédecine, a enfoncé le clou : il faut éviter les écueils et les risques qui sont de se limiter au motif initial de consultation en ignorant un motif caché, de ne pas relier les épisodes entre eux ce qui peut retarder le diagnostic, de favoriser le nomadisme médical.
Le Collège recommande en particulier de :
-prévoir avec le patient un cadre calme et des conditions techniques adaptées
-pouvoir disposer de documents concernant le motif de téléconsultation et si possible le dossier médical
-préconiser une assistance pour les plus fragiles et les plus vulnérables
- se poser la question de savoir si la situation clinique est adaptée au format téléconsultation et si la gravité ne nécessite pas une hospitalisation d’urgence
- consacrer du temps à l’écoute et connaître l’environnement médico-social et territoriale
- prévoir une consultation en présentielle rapidement ou en différé
- éviter un recours trop fréquent voire exclusif à la téléconsultation
- former le patient en particulier contre l’abus de téléconsultation (pas d’effort de déplacement !)

Des plates-formes en quête de nouveaux services

Sur les stands des plates-formes présentes au Congrès (Medadom, Livi, Medaviz, Mes docteurs mais aussi Doctolib et Maiia), pour « recruter « des médecins partenaires, on regrette cette position plutôt négative vis-à-vis de la téléconsultation.
Ces sociétés multiplient les projets. Medadom dit avoir installé 2.000 bornes de téléconsultation dans les pharmacies et les entreprises, Medaviz s’intéresse aux structures pour s’inscrire dans le parcours de soins et vient par exemple de déployer sa solution pour soulager les urgences pédiatriques des hôpitaux de Mantes-La Jolie et de Poissy, lors des épisodes épidémiques. Des infirmiers ne guideront vers les urgences que les cas les plus graves et  les autres seront accompagnés vers une téléconsultation auprès des médecins de garde (une trentaine de praticiens du département la nuit et le WE).

Sans doute faudrait-il dans chaque cas s’interroger aussi sur les besoins réels de la population...

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